Comment est-ce que les étudiants et professionnels indigènes qui travaillent dans les domaines STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques) perçoivent ces différentes disciplines ? Qu’est ce que les a inspiré à travailler dans les domaines STIM ? Comment leurs expériences uniques et leurs perspectives sont un atout ? En tant qu'organisation impliqué dans la diffusion des sciences dans les communautés indigènes, MissionCerveau Nord a interrogé des individus de communautés indigènes, à différents stades de leurs carrières en STIM. Aujourd'hui, nous rencontrons Adrian Riives, qui poursuit un doctorat en chimie au Rensselaer Polytechnic Institute à New York. Transcription de l'entrevue avec Adrian Riives – « Les peuples autochtones sont les premiers scientifiques de plein droit». Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et d'où vous venez ? Je m'appelle Adrian Riives et je suis originaire d'Edmonton en Alberta (Canada). J'y ai grandi, mais maintenant je vis aux États-Unis et je fais mon doctorat en chimie. Mon père est moitié ojibwé et ma mère est surtout allemande, j’ai donc une identité culturelle diversifiée. Je viens d'Edmonton, en Alberta, mais j'ai déménagé à Seattle lorsque j'avais 4 ans, puis en Californie lorsque j'avais 14 ans, j’ai vécu un peu à Philadelphie et maintenant je vis à Albany, dans l’état de New York. Mon père est de White River, en Ontario, et ma mère est de Saskatoon, en Saskatchewan. Quelles sont les choses que vous faites en dehors des sciences ? Je pense qu'il est important d'avoir beaucoup d'intérêts différents. Par exemple, j'habite dans le magnifique nord-est, et l'été, c'est vert et très propice aux activités en plein air. Depuis que je vis dans le nord de l'état, il y a beaucoup de choses à faire. J'aime vraiment tout ce qui est en plein air, j'adore essayer de nouvelles choses. J'adore voyager, j'aime beaucoup la gastronomie, alors j'adore essayer de nouveaux mets. Je dirais que tout ce qui est une expérience nouvelle et authentique où l'on peut rencontrer de nouvelles personnes, si je suis honnête. Avez-vous toujours été intéressé par les sciences ? Pourquoi avez-vous choisi la chimie ? C'est drôle, quand j'étais plus jeune, je n'aurais jamais pensé que je ferais de la science ou quelque chose comme ça. Je n'ai jamais pensé que j'étais assez intelligent parce qu'il y a toujours eu ce stéréotype de l'homme, plus âgé, en sarrau que l'on considère comme le portrait de la science. Je ne pense pas que la science d'aujourd'hui soit du tout comme ça. J'ai toujours aimé la nature. Au secondaire, j'ai fait de la chimie, de la biologie, de la physique - les cours traditionnels que vous suiviez au secondaire - et j'avais un vrai don pour la chimie. J'aimais la chimie. Comment votre identité culturelle a-t-elle influencé votre cheminement de carrière ? Je pense que nos racines sont toujours là, même quand on ne sait pas qu'elles sont là. Ce que j'aime à penser maintenant, chaque fois que je participe à une conférence scientifique, surtout lorsque je participe à une conférence de l'AISES*, ils disent toujours que les peuples autochtones ont été les premiers scientifiques de plein droit. Parce que nous sommes ici depuis des dizaines de milliers d'années, depuis le pont terrestre de Béring, non ? Et nous avions l'élevage, nous avions la culture des terres, l'agriculture. Nous avons pris soin de la terre. En fait, ce que je fais maintenant est très intéressant: c'est de la photochimie inorganique. Ce que nous essayons de faire, c'est essentiellement de fabriquer des cellules solaires photochimiques à colorant. C'est de la chimie verte; c'est comme si j'essayais de m'inspirer de ce que j'ai appris et d'aider l'environnement. Je me soucie vraiment de l'environnement et de Mère Nature. Par conséquent, la recherche doit porter sur les choses qui nous tiennent à cœur. C'est plutôt intéressant d'avoir ce bagage dans mon cerveau à propos de qui je suis et de ma famille, ainsi que des choses que j'ai apprises. Si vous parlez à un autochtone, il vous dira toujours que sa principale préoccupation est l'environnement, et que cette préoccupation est au coeur de sa vie quotidienne. C'est très subtil, mais c'est toujours là. Je pense que l'identité culturelle est toujours là, que vous en soyez conscient ou non, je pense qu'elle nous façonne vraiment. C'est une longue réponse, mais je continue d'y répondre moi-même. Tu sais, en vieillissant, tu commences à mieux comprendre des choses sur toi-même, sur ta vie, sur qui tu es. Sincèrement, je suis encore en train de le découvrir moi-même. *AISES= American Indian Science and Engineering Society Qu'est-ce qui est le plus amusant dans le fait de travailler ou d'étudier en sciences ? Ce qui est vraiment bien, comme l'a si bien dit un de mes amis, c'est que le monde universitaire est ce dernier beau moment où il faut vraiment se concentrer sur un problème et le comprendre, se l'approprier. Ce qui est le plus bizarre, je pense personnellement, c'est que quand j'étais plus jeune, je pensais que j'allais venir changer le monde et avoir un impact énorme. Mais honnêtement, dans cinq ans, étant donné la quantité de formation qu'il vous faudra pour être à la hauteur, vous n'allez probablement pas changer le monde. Je veux dire, c'est juste la nature des choses. Mais ce que vous pouvez faire, c'est que vous pouvez prendre ce tout petit morceau de connaissance et vous pouvez contribuer à un organisme beaucoup plus grand. C'est une expérience très humble. Les gens qui ne me connaissent pas très bien pensent, par exemple, que je me sens intelligent. Mais la vérité, c'est que vous ne vous sentez jamais intelligent. Vous êtes encore en train d'apprendre et d'essayer de comprendre le système que vous décrivez. Qu'est-ce qui est le plus difficile quand on étudie ou qu'on travaille en sciences ? Quand vous faites de la recherche, vous êtes à l'avant-garde de la compréhension des choses. C'est la nature même de la recherche, et c'est très difficile. Le syndrome de l'imposteur, c'est un autre aspect énorme. Fondamentalement, tout le monde souffre du syndrome de l'imposteur. C'est quelque chose que j'ai appris, pas seulement les étudiants, mais aussi les professeurs en toute franchise. Tout le monde a toujours l'impression qu'ils ne sont pas assez intelligents, qu'ils auraient dupé des gens pour en arriver là où ils doivent aller. Toute l'idée de "faire semblant jusqu'à ce qu'on y arrive" est réelle, et je pense que tout le monde partage ce sentiment. Comment avez-vous surmonté les défis que vous avez mentionnés ? C'est une sorte de voyage de la vie et comment on arrive là où on arrive, n'est-ce pas? Je crois beaucoup au positivisme. Il y a eu des moments dans ma vie où je n'ai pas été aussi positif, et je peux vous dire que l'optimisme et l'amour de soi et se donner du crédit quand on en a le mérite. Par exemple, si vous terminez un examen et que vous avez bien réussi, ou si vous terminez vos examens finaux, vous pouvez vous accorder une pause et vous dire que vous avez fait du bon travail. Je crois aussi beaucoup en l'activité physique. Je pense que l'exercice aide vraiment. Ce n'est pas mon point fort, mais je suis presque certain qu'il y a beaucoup de données scientifiques qui confirment que l'exercice prend vraiment soin de la dépression, de la santé mentale. Avoir un grand réseau de soutien, ou un réseau d'amis et la famille, qui croient en vous quand vous ne croyez pas en vous-même est un gros plus. Et si vous n'avez pas d'amis ou de famille, des membres de la faculté. Quand j'étais au premier cycle, je faisais partie de ce programme appelé Rise ainsi que LSAMP (Louis Stokes Alliance for Minority Participation), Rise étant un programme similaire. Comme je suis un étudiant issu d'une minorité visible, j'ai participé à ce programme très vaste. C'est bizarre, parce qu'avant de rejoindre cette société, j'étais plutôt un étudiant ayant généralement des B ou des C, et honnêtement, avec cette grande organisation derrière moi et des gens, je suis devenu un étudiant de première classe. C'est un peu fou de voir à quel point croire en soi et la confiance en soi changent vraiment les choses, et pas seulement les notes. Quand les gens sont jeunes, ils prennent les choses très au sérieux. Ils pensent que chaque petit échec sera la fin pour eux. Je ne pense pas que l'échec soit nécessairement un échec, c'est juste une cicatrice, ou un bleu, ce n'est pas la fin du monde. Je pense que le succès, c'est de prendre l'échec et le transformer en quelque chose de positif. Par exemple, si vous échouez à un examen, vous étudierez plus fort. La prochaine fois vous ferez mieux, ou vous demanderez plus d'aide, ou vous réaliserez que vous avez peut-être des difficultés que vous n'avez pas encore adressées et que vous devez régler pour vous améliorer à l'avenir. Quels conseils donneriez-vous à votre adolescent(e) pour vous aider à réussir dans votre carrière en STIM ? Tout va bien se passer. C'est mon conseil. Ça va aller, soyez plus indulgents avec vous-même, tout ira bien. Je connais des gens qui ont eu des enfants tôt, à partir de 18 ans. Je connais des gens qui s'enrôlent dans l'armée et d'autres qui vont à l'école dans la quarantaine, comme ma mère qui a étudié en droit alors qu'elle était dans la quarantaine, ayant ainsi 20 ans de plus que tous ses collègues de classe. Je pense qu'en vieillissant, je me demande pour qui je vis ma vie. Et si ce n'est pas pour moi, alors pour qui je la vis ? Bien sûr, la plupart des parents ont des attentes face à leurs enfants, mais au bout du compte, c'est votre vie. Et je pense qu'on parvient à trouver ce qu'on veut faire avec le temps. Vous n'avez pas besoin d'avoir toutes les réponses maintenant. Je pense vraiment que quand j'étais plus jeune, je pensais que je devais avoir toutes les réponses tout le temps. C'était très épuisant, tu sais ? C'était très impossible de faire cela. Saisissez toutes les occasions. Je pense que la chose la plus importante - ça a l'air banal - , sincèrement, c'est de croire en soi. Quand j'étais plus jeune, je me souviens d'avoir été tout de suite du genre : je ne peux pas postuler là-bas, je ne suis pas assez intelligent, je n'ai pas les notes pour ça, ou je ne suis pas capable de ça, c'est pour les gens intelligents. Non. Qu'a dit Wayne Gretzky ? Il a dit que tu rates 100% des coups que tu ne prends pas. Chaque stage, chaque offre d'emploi que reçoivent vos amis, ou quelqu'un que vous connaissez, n'est pas parce qu'ils sont beaucoup plus qualifiés que vous, c'est simplement parce qu'ils ont postulé. Bien sûr, travaillez dur aussi, mais je pense que beaucoup de jeunes sont stressés aujourd'hui, surtout, et toute cette croyance que vous n'êtes pas assez intelligent ou que vous ne devriez pas être ici, c'est tout simplement très courant. Surtout avec la mondialisation et la concurrence accrue pour les emplois, je dis simplement d'y aller. Croyez en vous et essayez de nouvelles choses, la vie est limitée, allez-y ! Les jeunes sont hilarants: ils pensent que chaque petit échec va les tuer. Je le sais parce que j'ai été cette personne-là, c'est pourquoi je peux en rire, parce que j'ai littéralement été cette personne. Vous pensez juste que le succès est un succès après l'autre, et ce n'est pas la façon dont les choses fonctionnent. Il y a beaucoup d'échecs, et puis vous mettez vos succès sur LinkedIn. Personne n'a besoin de savoir ! Personne n'a besoin de savoir, n'est-ce pas ? Vous avez 50 refus, vous avez 1 offre d'emploi, hey, ils n'ont qu'à connaître cette offre d'emploi ! C'est comme ça que les gens travaillent dans la société, non ? Je n'ai pas beaucoup de réponses, mais je pense que beaucoup d'entre elles sont basées sur le fait de vivre quelque chose de difficile - tout le monde éprouve des difficultés dans sa vie - et de passer à autre chose en se disant, vous savez quoi ? Je peux m'y attaquer, je peux probablement faire autre chose aussi. C'est du moins ce que je crois. Merci Adrian d’avoir participé à notre série d’entrevue “Personnes indigènes dans les STIM” et d’avoir partagé ton expérience avec nous. Nous avons appris beaucoup grâce à toi aujourd’hui et nous espérons que ton parcours sera une inspiration pour d’autres. Entretien par Christina Traduit par Veronique
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