Comment est-ce que les étudiants et professionnels indigènes qui travaillent dans les domaines STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques) perçoivent ces différentes disciplines ? Qu’est ce que les a inspiré à travailler dans les domaines STIM ? Comment leurs expériences uniques et leurs perspectives sont un atout ? En tant qu'organisation impliqué dans la diffusion des sciences dans les communautés indigènes, MissionCerveau Nord a interrogé des individus de communautés indigènes, à différents stades de leurs carrières en STIM. Dans notre prochain épisode d'entrevues " Peuples autochtones œuvrant dans le domaine des STIM ", nous rencontrons Jenna Barnhardt, une étudiante en 4e année de sciences biomédicales à l'Université Ryerson. Jenna nous fait part d'une histoire inspirante sur la façon dont la science représente pour elle une seconde chance et une occasion qui lui permet d'avoir un impact dans sa communauté. Nous apprenons que le chemin de la science n'est pas toujours sans répit et que les différentes escales en cours de route (comme développer sa propre entreprise) peuvent offrir une perspective inestimable. Sans plus attendre, voici Jenna. Parlez-nous un peu de vous. D'où venez-vous ? Qu'est-ce que vous étudiez ? Quels sont vos passe-temps, vos intérêts ? etc.
Je suis originaire du territoire mohawk Tyendinaga en Ontario - une tribu iroquoise de la baie de Quinte et je suis du clan de la tortue. Mes deux parents sont Mohawks. Je poursuis présentement mes études de premier cycle en sciences biomédicales à l'Université Ryerson et j'entame ma quatrième année en septembre 2019. J'ai également complété une mineure en psychologie et un certificat en santé mentale et toxicomanie. J'espère entreprendre des études supérieures en neurosciences avec un accent sur la cognition/comportement, la pensée/maladie mentale/psychologie/psychiatrie, etc. Je n'ai pas encore décidé dans quel domaine j'irai ou si je finirai par faire une demande d'admission à la faculté de médecine ou non, mais j'espère faire quelque chose dans ce genre de domaine de recherche et d'études en neuroscience. Je suis ingénieuse, j'aime le tricot et les arts textiles comme le point de croix, la couture et le perlage. Je possède ma propre entreprise appelée "Yarnhardts" qui me permet de vendre mes créations de tricot ainsi que d'employer d'autres personnes et de vendre aussi leurs produits. Je participe surtout à des expositions d'artisanat dans ma communauté natale. La plupart de mes créations artisanales sont empreintes d'une influence autochtone. Vous les retrouverez sur n'importe quelle plateforme de médias sociaux en cherchant "Yarnhardts". Je m'intéresse à la sensibilisation et à la promotion de l'enseignement des sciences et du transfert des connaissances auprès de tous ceux qui s'intéressent aux sciences, mais maintenant, je me concentre davantage sur les peuples autochtones. J'ai travaillé comme consultante technique en recherche scientifique et développement expérimental (RSDE) pendant plus de 7 ans, en collaboration avec des ingénieurs, des scientifiques et des médecins pour optimiser leurs projets avec des subventions et des investissements. J'ai travaillé à la rédaction de rapports et de demandes au nom de mes clients pour divers types de subventions pour soutenir leurs projets, ce qui a nécessité un important transfert de connaissances pour les besoins du financement. À présent, je suis passionnée par le transfert des connaissances générales ainsi que l'enseignement et l'explication des concepts/mythes/nouvelles idées scientifiques aux personnes intéressées par ces sujets. J'adore les animaux ! J'ai un chat orange qui s'appelle Beans, et un Basset hound qui nommé Billie. Ils me maintiennent alerte ! Comment vous décririez-vous en trois mots ou moins ? Intelligente. Fière. Que représente la science pour vous ? J'ai commencé comme mannequin et j'ai entamé mon premier diplôme de premier cycle en mode. Quand j'ai réalisé que ce chemin n'était pas pour moi, j'avais l'impression d'avoir gaspillé une grande partie de ma vie, ruiné ma carrière universitaire et été trop âgée pour recommencer. J'ai eu une relation qui m'a donné une occasion unique d'écrire et de soutenir des consultants/professionnels techniques (ingénieurs, médecins, scientifiques, etc.). Au début, on me dictait simplement des textes pour que je puisse les rédiger comme mes patrons le voulaient et éditer leurs rapports complexes. Au fur et à mesure que j'ai commencé à lire leurs rapports, je me suis beaucoup intéressé à la science en général. J'ai peu à peu gravi les échelons et je suis devenue moi-même consultante technique professionnelle. J'ai ainsi acquis une expérience précieuse dans de nombreux domaines de recherche, ce qui m'a permis de préciser mes intérêts : l'astrophysique ou les neurosciences. À la fin de la vingtaine, j'ai pris la décision extrêmement difficile de retourner à l'université et de réaliser mes rêves en sciences, mais j'ai dû partir du bas de l'échelle et obtenir un tout nouveau diplôme de premier cycle (ce que je complète maintenant). C'était à l'automne 2017 et je suis sur la bonne voie pour terminer mon baccalauréat en sciences d'une durée habituelle de quatre ans en seulement trois ans. Ce que je veux dire, c'est que pour moi, la science représente une seconde chance. Cela m'a donné l'occasion d'explorer ce que j'aime, de faire quelque chose d'intéressant avec mon avenir et de donner un véritable sens à ma carrière. La science m'a permis d'en apprendre davantage sur qui je suis en tant qu'Autochtone en m'impliquant davantage dans ma communauté, en faisant de la sensibilisation et en faisant du transfert de connaissances, tout en enseignant ce que je connais aux personnes qui n'ont jamais eu cette chance, comme moi plus jeune. En grandissant, je n'ai jamais envisagé que les STIM soient une carrière envisageable pour moi. Donner à d'autres personnes cette possibilité signifie tout pour moi. Comment vous êtes-vous intéressé à la science ? Qu'est-ce qui vous motive à continuer dans cette voie ? Je pense que j'ai en quelque sorte traité de ces questions dans ma réponse précédente, mais tout cela fait partie de mon histoire. Je suis tombée dans la science sans le savoir, à un moment de ma vie où je me sentais inutile et seule, ce qui a stimulé mon intérêt. Ma motivation à poursuivre en science et d'en faire une partie intégrante de ma vie est le transfert des connaissances. Il y a tellement de désinformation dans un monde où l'information est si facilement accessible qu'il y a eu une demande énorme pour des gens qui peuvent prendre toutes ces recherches étonnantes qui sont en cours et les traduire en quelque chose de compréhensible et vulgarisé. Nous vivons à l'ère numérique où l'information peut être déformée et où les interprétations des faits peuvent être dénaturées par une propagande et des intentions qui ne favorisent pas la communauté scientifique. Le besoin de transfert des connaissances est plus grand qu'auparavant. Les peuples autochtones ont été particulièrement sensibles à cette situation. Qui est votre inspiration ? Pourquoi ? J'ai tant d'inspirations que je ne sais pas si je pourrais en choisir une seule. Dans ma vie personnelle, ma plus grande inspiration est ma mère et toutes mes tantes qui m'ont appris à être une femme forte et habile. Elles ont toujours soutenu tout ce que je fais et elles m'ont montré elles-mêmes qu'elles peuvent accomplir tout ce qu'elles désirent. En tant que femmes autochtones qui ont grandi à leur époque, elles ont surmonté beaucoup de défis, et je serai toujours inspirée par les femmes autochtones qui ont fait face à l'adversité et qui en sont sorties plus fortes que jamais. Dans quelle mesure votre identité culturelle a-t-elle eu une incidence sur votre cheminement de carrière (ou d'études) ? Mon identité autochtone a eu un impact sur ma carrière en encourageant davantage ma passion pour la sensibilisation et le transfert des connaissances. La nécessité d'améliorer et de perfectionner les services de santé mentale pour les peuples autochtones au Canada a également eu une incidence. À l'heure actuelle, il y a une pénurie de professionnels habilités pour traiter les problèmes de santé mentale des Autochtones, en particulier ceux qui ont une connaissance approfondie du cerveau. Il y a tellement de possibilités de découvrir une communauté qui a besoin d'aide plus que jamais. Quels sont certains des défis auxquels vous avez dû faire face dans la poursuite de vos activités en science ? Comment y avez-vous fait face et/ou les avez-vous surmontés ? Le fait d'être une femme autochtone plus âgée et de sexe féminin dans le domaine des STIM comporte bon nombre de défis. J'en suis devenue très consciente lorsqu'il n'avait pas de femmes dans les postes techniques professionnels dans la société d'experts-conseils où je travaillais et que la seule femme dans un bureau d'environ 30 à 50 personnes occupait des postes en RH, en finances et en administration. Je n'avais jamais pris "conscience" que j'étais une femme jusqu'à ce qu'on me place dans un rôle technique entouré d'hommes. C'était un défi, car personne ne me prenait au sérieux, mon travail était souvent revérifié en double voire même en triple alors que même personne d'autre n'était soumis au même sort. J'ai reçu des projets plus petits et des clients moins importants, j'étais payée beaucoup moins que mes homologues masculins et j'ai été ridiculisée lorsque je ne comprenais pas des choses qui étaient hors de mon champ de compétence pour mon niveau de formation à cette époque (quelques années universitaires en mode et quelques années en affaires, donc les concepts complexes en ingénierie ne me sont pas connus, mais il était attendu que je les maitrise). J'ai trouvé beaucoup de réconfort chez mes clients. Le bureau était souvent un environnement toxique, mais sortir dans le monde réel avec ma vaste sélection de clients était une véritable bouffée d'air frais. J'ai toujours été bien accueillie par tout le monde, j'ai toujours eu des commentaires positifs (de mes patrons au sujet de mon travail - tout le monde m'aimait -) et mes clients faisaient toujours un travail très intéressant qu'ils étaient enthousiastes de me partager. Cela m'a également encouragé à poursuivre des études en sciences et à faire ce travail par moi-même, car j'ai toujours eu de bonnes idées à partager avec eux et j'ai eu de bons commentaires qui ont été fort stimulants. Cela m'a donc aidé à surmonter le fait que mon environnement de travail n'était pas un endroit où il faisait bon vivre. Lentement, la représentation féminine a augmenté dans les postes plus techniques de ce bureau, et je crois que quelques femmes occupent maintenant mon ancien poste. Lorsque je suis arrivée à Ryerson en 2017, les choses étaient beaucoup plus diversifiées : nous voyons beaucoup plus de femmes en sciences et il y a beaucoup plus de rôles modèles féminins. Cependant, la représentation autochtone dans les STIM est encore très limitée et la recherche de rôles modèles est un défi de taille. Je fais de mon mieux pour améliorer cette situation et servir de modèle à toute personne (jeune ou adulte) qui s'intéresse aux STIM. Le problème avec la communauté autochtone en général, c'est qu'elle éprouve de la difficulté à faire confiance à des concepts extérieurs et que les idées "coloniales" sont presque toujours une menace pour elle. Par conséquent, le transfert des connaissances au sein de et vers la communauté peut être un défi pour quelqu'un qui n'y est pas sensible ou qui fait partie de la communauté elle-même. Même au sein des communautés autochtones individuelles, il y a beaucoup de résistance si vous n'êtes pas "l'un ou l'une des leurs ", ce qui doit changer. Heureusement, les jeunes sont très réceptifs et de plus en plus de communautés travaillent ensemble pour se développer et s'entraider. Les peuples autochtones au Canada ont connu une histoire horrible qui a des conséquences qui se répercutent sur tous les membres de cette communauté (je n'en suis pas exclue). C'est pourquoi je cherche constamment à donner l'exemple et à servir de modèle à tous ceux qui, dans ma communauté ou dans d'autres communautés, ont été confrontés à des problèmes similaires. Quels conseils, s'il y en a, donneriez-vous à votre "moi plus jeune" en ce qui concerne la poursuite d'une carrière en sciences ? Ne sois pas si dure avec toi-même. La voie que j'ai choisie à l'origine n'était pas la bonne pour plusieurs raisons, mais je n'ai aucun regret et je recommencerais. Merci, Jenna, de partager vos expériences avec nous. Nous pouvons affirmer avec confiance que vous êtes un modèle non seulement pour les membres de votre communauté, mais pour tous ceux qui se demandent si la science est un domaine pour eux. Nous vous souhaitons la meilleure des chances dans la poursuite de votre carrière en STIM. Interview par Roni Traduit par Veronique
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